Séminaire Nancy – Laurie Bréban (Paris 1)
Le 16/01/2024
De 11:00 à 12:30
Détails de l'événement :
Titre: “Remote Encounters of a Distant Kind : Les autochtones et les occidentaux dans la pensée internationale d’Adam Smith”, co-écrit avec Jean Dellemotte
Résumé: Notre article porte sur la manière dont Adam Smith traite les relations entre les colons et les colonisés. Le discours de Smith sur ce sujet a principalement été considéré à travers la question de savoir s’il était, ou non, un penseur anticolonialiste d’avant-garde. Cette question est à la fois importante et fascinante, mais nous pensons qu’elle n’épuise pas toute la discussion sur le sujet. La rencontre entre colonisateurs et colonisés au XVIIIe siècle est aussi le lieu d’un choc culturel et d’une analyse des rapports généraux et des comparaisons susceptibles d’être établies entre ce que l’on avait coutume d’appeler au siècle des Lumières la “civilisation”, la “sauvagerie” et la “barbarie”. Nous distinguons ici deux dimensions de cette rencontre : d’une part, la rencontre effective entre colons européens et autochtones, marquée par la violence et la dépossession subies par ces derniers ; d’autre part, la rencontre à distance – largement inspirée par les récits de voyage des missionnaires, explorateurs, aventuriers, etc. – entre le savant européen et des civilisations dont il n’a pu, en réalité, être en contact physique qu’avec une poignée de “spécimens” importés en Europe par les explorateurs comme butin de voyage au même titre que les animaux exotiques. Dans ce qui suit, nous commencerons par examiner ce que nous appelons la rencontre à distance entre le philosophe et les populations d’outre-mer, c’est-à-dire les diverses comparaisons que Smith a faites entre les autochtones et les Occidentaux dans la Richesse de la nation, la Théorie des sentiments moraux et ses Lectures on Jurisprudence. Nous observons que, tout en considérant les nations européennes comme beaucoup plus avancées économiquement que les nations “sauvages” et “barbares”, Smith oppose la maîtrise de soi supérieure de l’autochtone à la plus grande tendance à l’humanité et à la compassion de l’homme “civilisé”. Nous nous pencherons ensuite sur la rencontre effective entre les autochtones et les Occidentaux et montrerons que Smith critique sans équivoque le colonialisme européen, qu’il considère comme essentiellement motivé par l’appât du gain et vouant les populations conquises à d'”affreux malheurs”. Enfin, nous expliquons pourquoi, pour Smith, les Européens ont perdu leurs vertus d’humanité au contact des populations d’outre-mer, en d’autres termes, comment leur amour de la domination a pris le pas sur la sympathie, et comment il envisage de surmonter ce problème.