Le 2 mai 2022, l’économiste suèdois auteur de “On Keynesian Economics and the Economics of Keynes” (1968) nous quittait. Le BETA lui rend hommage.
Par Rodolphe Dos Santos Ferreira, Professeur émérite à l’université de Strasbourg, le 6 mai 2022.
“Axel est une des figures marquantes ayant séjourné au BETA, pendant tout un semestre, invité par Jean-Paul Fitoussi, alors déjà parti à Florence. Son séjour au BETA a été important pour certains d’entre nous, notamment Jean-Luc et Jean-Paul Pollin. Il a aussi dirigé avec moi le mémoire de troisième cycle d’Ehud Zuscovitch.
Pour moi et les macro-économistes de ma génération, sa thèse sur Keynes a été une véritable révélation, un feu d’artifice. Publiée en 1968, elle a connu la gloire, mais de manière passagère. Elle a été trop identifiée à la théorie du déséquilibre et a été ensuite écrasée par les Nouveaux Classiques comme par les Nouveaux Keynésiens. Pourtant, elle était centrée sur les thèmes de l’information et de la coordination, qui lui confèrent aujourd’hui une grande actualité. Elle a largement inspiré ma thèse complémentaire, marqué fortement mon travail sur Keynes tout le long de ma vie et je lui ai consacré récemment, pour ses 50 ans, un papier co-écrit avec Pierrick Clerc (EJHET 2020).
Après la découverte de l’auteur, la rencontre avec l’homme n’a pas été décevante non plus. La gentillesse, l’humour, l’élégance incarnés. La grande classe ! J’ai eu le privilège de le rencontrer régulièrement, sinon fréquemment, et bien des moments passés avec lui resteront gravés dans ma mémoire.”
Par Jean-Alain Héraud, Professeur émérite à l’université de Strasbourg, le 6 mai 2022.
“Triste nouvelle en effet, et curieuse coïncidence. C’est globalement une page qui se tourne avec ces deux décès concomitants. [NDRL: Jean Fitoussi est décédé deux semaines avant Axel Leijonhufvud.]
Jean-Paul [Fitoussi] nous a incité (ses jeunes doctorants de l’époque) à lire Axel et à nous inscrire dans cette perspective mais personnellement je me suis vite écarté de la macro. Comme Patrick Cohendet, j’ai envisagé d’autres horizons. Jean-Paul a eu l’ouverture d’esprit d’accepter de continuer à diriger des thèses éloignées de ses investissements propres – dans lesquels Axel était définitivement central. Mais il faut dire que la présence et l’influence de Nicolas Georgescu-Roegen, autre grand invité du BETA à l’époque, ont beaucoup contribué à rendre possible et acceptable cette réorientation de la part de Patrick et moi (à quelques frictions près).
Pour revenir à Axel, que j’ai finalement beaucoup moins fréquenté que d’autres collègues du Beta, j’en ai gardé néanmoins une image impressionnante. Humainement, un très grand bonhomme. Un homme élégant comme le dit très bien Rodolphe. Et son nom, en suédois, que Jean-Paul avait du mal à prononcer…, veut dire tête de lion !”
Par André Lorentz, Maître de conférences à l’université de Strasbourg, le 7 mai 2022.
“Je me permets d’apporter ma toute petite pierre aux hommages de Rodolphe et Jean-Alain pour témoigner de l’influence d’Axel Leijonhufvud sur de multiples générations de chercheurs au BETA.
J’ai eu la chance, il y a exactement 20 ans, de le rencontrer à l’occasion de la troisième édition de l’école d’été de Trento sur les processus économiques adaptatifs en macroéconomie. Je terminais alors ma première année de thèse à la Sant’Anna de Pise.
Au delà de cette très très brève rencontre et de l’impression laissée par son intervention, ses travaux plus récents et ses prises de positions méthodologiques ont à la fois guidé et pu apporter un précieux crédit aux travaux de chercheurs qui ont choisi de faire un pas de côté par rapport à l’orthodoxie économique en abordant les questions économiques sous le prisme des systèmes complexes et évolutifs.”