Titre : Analyses quantitatives de décisions de justice en matière de Prestation Compensatoire dans une perspective de justice prédictive
Auteur(s) : Bruno Jeandidier, Jean-Claude Ray, Julie Mansuy
Résumé : A partir d’un corpus de décisions de justice de divorce de première instance codifiées dans une base de données, représentatif au niveau national français, nous menons une analyse économétrique qui a pour finalité de prédire les montants de prestation compensatoire fixés par les juges aux affaires familiales des Tribunaux de Grande Instance. Cet exercice nous donne l’occasion, premièrement, de souligner les difficultés méthodologiques, inhérentes à ce type de source juridique, liées à l’exercice prédictif, notamment : la nécessité de construire l’information non directement accessible dans les décisions à partir d’autres informations nombreuses et complexes ; l’absence de certaines informations dans les décisions qui pourtant, au regard du droit, devraient a priori constituer de bons prédicteurs ; l’existence dans les décisions d’informations entachées de données manquantes qui font courir le risque de biais ; la nécessité de décomposer l’analyse au regard de la procédure (i.e. avec ou non accord des parties). Deuxièmement, dans la mesure où les propositions des parties (montants de l’offre et de la demande de prestation compensatoire) expliquent l’essentiel du montant de PC fixé par le juge en cas de désaccord des parties et absorbent une large part du rôle effectif des déterminants listés dans le Code civil, nous développons une approche originale consistant à retenir les résidus des deux équations d’offre et de demande, et non pas les montants de ces dernières, dans l’équation du montant de PC fixé par le juge, ce qui permet de restituer le vrai rôle de ces déterminants. Ainsi, nous montrons que certains facteurs ont un rôle déterminant, notamment l’écart intra-couple de niveau de vie, la durée de mariage, le régime matrimonial ou encore la forme de la prestation compensatoire (rente ou capital). Troisièmement, à partir des coefficients estimés des deux régressions les plus élaborées (sur le cas des affaires sans accord des parties), nous mesurons l’ampleur des erreurs de prédiction en comparant les montants de prestation compensatoire prédits aux valeurs observées. Notre conclusion est que l’ampleur de ces erreurs (en euros comme en proportion) est telle qu’il serait très risqué de recourir à ces estimations pour effectuer de la justice prédictive à destination des couples en instance de divorce. En effet, dans un cas sur quatre, l’erreur de prédiction excède la moitié du montant observé de la PC.
Mots-clés : divorce, prestation compensatoire, justice prédictive, erreur de prédiction.
JEL Classification : K36, J12.