Titre : Séparation parentale avant les quatre ans de l’enfant ELFE et complétude de la mise en œuvre de l’obligation alimentaire par le parent débiteur.
Auteur(s) : Bruno JEANDIDIER, Cécile BOURREAU-DUBOIS, Julie MANSUY
Résumé : Le non-paiement des pensions alimentaires faisant suite à une séparation parentale est un objet de recherche extrêmement étudié aux Etats-Unis, beaucoup moins en France. Dans une première partie, outre le recensement de données de cadrage permettant de rendre compte de l’ampleur de ce comportement de non-paiement ou de paiement partiel, nous effectuons une vaste revue de littérature socio-économique empirique – essentiellement américaine – permettant d’identifier les principales causes de ce comportement. Nous abordons ainsi la question de la capacité contributive du débiteur et sa capacité relative (pension alimentaire / revenu), puis la question de sa volonté à payer. Cette dernière est étudiée, d’une part, sous l’angle de l’engagement du débiteur à l’égard de l’enfant (intensité des contacts, modes d’hébergement, facteurs pouvant influencer la relation parent-enfant), d’autre part, sous l’angle de la qualité relationnelle entre les deux parents. La deuxième partie est consacrée à l’identification des ruptures parentales dans l’enquête ELFE. De nature plutôt méthodologique, cette partie montre en particulier qu’il est parfois difficile d’identifier avec certitude certaines ruptures, notamment lorsque la relation de couple est initialement floue. Nous estimons qu’avant les quatre ans de l’enfant, le taux de rupture parentale (estimation basse) se situerait entre 8,5% et 9,4%. Dans la troisième partie nous analysons un module d’enquête spécialement adressé aux parents séparés et portant principalement sur l’exécution de l’obligation alimentaire. Sur le sous-échantillon des parents qui ont répondu à ce module, nous estimons qu’environ un peu moins de deux couples sur trois ont entrepris une démarche pour mettre en œuvre cette obligation alimentaire sous forme monétaire, soit en engageant une procédure de divorce, soit en engageant une procédure légale de fixation d’une pension alimentaire de parents non-mariés, soit en concluant un accord amiable ou encore en effectuant de fait des versements d’argent. Notre analyse économétrique montre principalement que la probabilité qu’un transfert soit prévu est significativement plus faible lorsque le débiteur a des faibles revenus, lorsque ce dernier n’a pas ou peu de contacts avec l’enfant, lorsque la durée écoulée depuis la séparation est courte et lorsque les parents n’ont pas de relation ou des relations tendues. Ces quatre résultats sont de nature à valider les hypothèses de capacité et de volonté à payer. Parmi les couples ayant prévu un transfert au titre de l’obligation alimentaire, nous estimons que dans environ six cas sur dix l’obligation alimentaire est mise en œuvre correctement (complétude et régularité), dans deux cas sur dix elle est imparfaitement mise en œuvre et dans également deux cas sur dix elle n’est jamais mise en œuvre. L’analyse économétrique de ce comportement de non-paiement ou de paiement partiel a montré que la probabilité que le transfert soit correctement versé était principalement liée négativement à l’absence de contacts entre le père et l’enfant et positivement à la qualité de la relation au sein du couple parental et au climat de coopération en cas de divorce. En revanche, l’hypothèse concernant la capacité relative à payer est infirmée sur notre échantillon et l’hypothèse relative à la capacité absolue à payer reçoit un soutien limité dans notre estimation finale.
Mots-clés : séparation parentale, pension alimentaire, non-paiement, paiement partiel.
JEL Classification : J12, K36, D13.